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En Tunisie, le tout numérique ouvre un nouveau champ des possibles pour le renouveau du service public

Dans la grande salle d’attente de la Caisse nationale de la sécurité sociale (CNSS), au centre de Tunis, le silence règne. Les sièges en plastique vert, sont à moitié occupés, tout comme les guichetiers qui attendent patiemment la venue du prochain assuré.

La CNSS, c’est l’institution publique en charge des prestations sociales pour les employés et les travailleurs non-salariés. Des pensions de retraite aux prestations de soins, en passant par les allocations familiales, ce service public est au cœur des préoccupations des travailleurs et des employeurs.

Habituellement grouillante, l’ambiance ici a changé. Quelque chose d’inhabituel semble s’être produit. Ce calme inédit n’est pas un hasard et n’est pas non plus une conséquence de la crise sanitaire. Nabil Henchir, ingénieur en charge de la planification, des méthodes et de la veille technologique à la CNSS décrypte : « en 2019, la caisse a fait un grand pas dans la digitalisation. Avant, un artisan devait passer au bureau pour payer sa cotisation en espèces ou par chèque, ce qui nécessitait plusieurs semaines avant la prise en charge de sa demande. Mais maintenant, en seulement deux minutes, il règle sa cotisation par carte bancaire sur notre site web ».

La raison pour laquelle ce lieu s’est, petit à petit, mis à sonner creux, c’est le numérique. Désormais, les assurés et les entreprises peuvent à la fois payer mais également consulter en ligne leurs prestations sociales. Ils peuvent également télécharger leur attestation via un QR code incorporant le sceau électronique de la CNSS. « Avant, il fallait plusieurs semaines pour saisir, contrôler et valider. Le numérique n’est plus un confort, c’est une nécessité », poursuit Nabil.

Ces mots font écho aux ambitions de l’administration publique, qui, depuis 2016, a pris le virage du numérique en lançant le plan « Tunisie Digitale 2020 ». En déployant à grande échelle l’administration électronique, ce projet place la Tunisie comme une référence mondiale dans ce domaine faisant des nouvelles technologies de l’information et de la communication un important levier de développement socio-économique. Pour Sanâa Haouari, directrice générale au ministère tunisien des Technologies et de la communication et experte en transformation digitale, cela passe par « la mise en place de services administratifs en ligne, de systèmes d’information sectoriels, d’un système d’identifiant numérique unique et d’une plateforme d’échange de données, ainsi que l’amélioration de la connectivité dans les établissements publics ».

Avec un financement de 71 millions d’euros déployé par la Banque africaine de développement en 2018, le projet « Tunisie Digitale », poursuit son chemin. Cela représente plus de la moitié du budget total. Conscient que cette transformation améliorerait à la fois l’économie et les conditions de vie des tunisiens, la Banque avait pour ambition de libérer le potentiel du numérique pour améliorer davantage le service public rendu à la population sur l’ensemble du territoire.

Paradoxalement, le numérique rapproche l’État des citoyens. Il leur facilite l’accès à leurs droits. C’est le cas de Othmane Essafi, gérant d’un magasin de pièces de rechange : « maintenant que tout se fait en ligne, nous avons gagné en sûreté et en efficacité. Le temps que nous perdions dans l’administratif, nous le consacrons maintenant à notre activité ».

Numériser les services publics est un projet complexe, un chantier d’envergure. Durant la pandémie, il fut ainsi mis à l’épreuve du feu : alors que le confinement se prolongeait, le gouvernement soutenait les citoyens et les entreprises par le versement d’aides sociales. Mais comment parer à une telle urgence quand il faut se déplacer pour toucher ses aides ? Impossible sans une administration numérique. « Notre transformation digitale a généré une vaste base de données que nous avons partagée, en début de pandémie, avec les autorités en charge des aides aux entreprises. Sans cette rapidité d’exécution, beaucoup de firmes auraient mis la clé sous la porte », explique le responsable de la CNSS.

Le pays du jasmin a ainsi choisi la voie de la modernité et de l ’innovation. À court terme, les services publics vont continuer d’ouvrir le chemin : « Bientôt, nous allons mettre en ligne de plus en plus de services tels que l’immatriculation et l’affiliation des entreprises, le suivi des pensions, etc. Le numérique, c’est l’avenir. Tout le monde y adhère. Il n’y pas d’autre option. Nous devons passer par là », nous confie Nabil, enthousiaste. Et il n’a pas tort. En montrant l’exemple, les services publics simplifient les tracas du quotidien et améliorent le vivre-ensemble. Cela favorise un nouvel état d’esprit : celui de l’innovation pour faire la différence.

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