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En Mauritanie, un projet hydro-agricole soutenu par la Banque africaine de développement contribue à réduire la pauvreté et à renforcer l’…

Y aller ? Ne pas y aller ? Entre le volant de son camion de transport et un lopin de terre agricole, Abdoul Seck était en plein doute. Finalement, il a choisi sa voie, l’agriculture, pour le plus grand bonheur de sa famille.

« Avant le lancement du projet hydro-agricole, raconte-t-il, j’étais chauffeur professionnel, épuisé par les va-et-vient incessants entre Louboudou, mon village, et ma zone d’activité. Depuis que je me suis reconverti dans le travail agricole, je suis tranquille, je n’ai plus de souci de fatigue et j’ai de quoi nourrir ma famille et même revendre sur le marché », raconte ce père de famille de 58 ans qui habite dans la région de Brakna, dans l’ouest de la Mauritanie limitrophe au fleuve Sénégal.

Son frère cadet, Atta Abdoul Seck, 44 ans, a embrassé plus tôt le travail de la terre en bénéficiant de l’extension des surfaces arables irriguées dans cette région meurtrie par les effets du changement climatique et une insécurité alimentaire endémique.

« J’étais à l’école coranique lorsque j’ai obtenu mon lopin de terre. Depuis, je poursuis mes études en parallèle à mon activité agricole. Et c’est formidable ! Je me nourris et je revends le surplus », se réjouit-il, ponctuant chaque phrase de grands gestes de la main.

Ces deux expériences heureuses, comme plusieurs dizaines d’autres, ont été rendues possibles grâce au Projet d’aménagement hydro-agricole du Brakna Ouest (PAHABO), lancé dans l’ouest de la Mauritanie, une région confrontée plus qu’ailleurs dans le pays à la pauvreté, aux défis du changement climatique et de l’insécurité alimentaire.

Cofinancé à hauteur de 12 millions de dollars américains par la Banque africaine de développement, le projet a permis d’augmenter par plus de vingt fois la superficie des terres irriguées dans la région passant de 300 à 7 000 hectares. Une avancée considérable réalisée au bénéfice des populations locales qui, jusque-là, s’aventuraient sur les chemins périlleux de la migration vers des destinations supposées plus clémentes.

Dans cette région, qui connaît un taux de pauvreté de 71% (contre une moyenne nationale de 55%), le PAHABO a contribué à restructurer les organes de représentation des agriculteurs en réorganisant leur structuration en coopératives : 43 coopératives rizicoles, 95 coopératives maraîchères féminines, sept coopératives de décrue, trois associations des usagers d’eau ainsi que deux Groupements d’intérêt économique (GIE).

En plus du renforcement de capacités, le PAHABO a construit de nombreuses infrastructures hydro-agricoles en acheminant, sur des dizaines de kilomètres, l’eau du fleuve Sénégal. Mieux, le projet a favorisé la diversification de la production agricole en encourageant les populations à associer les cultures de riz, de maïs, de sorgho aux produits maraîchers tels que les tomates, les choux, l’oignon et la salade.

En amont, le projet a introduit de nouvelles techniques agricoles, dont l’usage des motopompes qui ont permis d’améliorer le rendement à l’hectare du riz, du maïs et du sorgho.

« Avant le projet, on n’utilisait pas les motopompes. Maintenant, elles sont dans chaque exploitation de notre périmètre agricole, se félicite Aboulmaleck Sy, un jeune producteur. Ici, chaque agriculteur a vu le volume de sa production fortement augmenter, doubler ou tripler. Masha Allah (Dieu soit loué) ! »

Priorité aux productrices

Succès le plus remarquable de cette opération, quelque 62% de ses bénéficiaires se trouvent être des femmes dynamiques, bien impliquées dans la prise de décision en étant représentées dans les comités locaux dédiés à la concertation et à la coordination. Près de 150 productrices se sont ainsi regroupées dans une coopérative pour tirer de meilleurs dividendes de leurs exploitations agricoles.

« Je vis ici sur cette exploitation avec mon époux, mes enfants et mes petits-enfants. Je produis assez pour nous tous et aussi pour vendre le surplus sur les marchés, s’enthousiasme Oumou Salif Diop, présidente de la coopérative. »

L’amélioration des revenus des productrices participe à l’autonomisation des femmes mauritaniennes conformément à la stratégie de la Banque africaine de développement en matière de genre.

Le PAHABO, qui a clôturé ses activités en juin 2014, a été prolongé par une Facilité préparatoire de projet (FPP) afin d’amorcer la préparation du Projet d’appui à la transformation agricole en Mauritanie (PATAM). Les activités d’encadrement et de renforcement des capacités ont ainsi pu être poursuivies avant le démarrage du PATAM à la fin de l’année 2018.

En aval, le PAHABO a appris aux bénéficiaires à produire et à conserver le surplus de leurs récoltes pour ensuite l’écouler dans les marchés de la région en empruntant les routes aménagées lors de la construction des infrastructures hydro-agricoles. Cette stratégie s’est traduite concrètement par la création de trois nouveaux marchés hebdomadaires dans les communes d’intervention du projet.

Au-delà du volet hydro-agricole, des efforts soutenus ont été fournis en matière d’accès à l’eau potable et de soins de santé au profit des populations.

Près de 11 000 personnes vivant dans une vingtaine de villages ont ainsi eu accès à l’eau potable grâce au projet. Une opération qui contribue, d’une part, au désenclavement de la région de Brakna et facilite, d’autre part, les évacuations sanitaires des malades et des femmes enceintes vers les centres médicaux environnants. Par ailleurs, le démarrage de l’activité piscicole dans les marigots a suscité l’intérêt des jeunes et a contribué, avec le développement de l’élevage, à l’amélioration de l’état nutritionnel des ménages.

Signe de l’amélioration du cadre de vie depuis la mise en œuvre du PAHABO, plus de 1 500 familles, qui avaient quitté le Brakna, sont revenues dans la région.

« C’était un choix stratégique de venir implanter ce projet dans la zone du Brakna. L’enjeu était clairement de faire reculer la pauvreté, de permettre aux populations de vivre de leur travail tout en assurant leur sécurité alimentaire », explique Sidi Ould Ismail, coordonnateur du projet.

African Development Bank Group

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